EFFETS DE 3 DUREES D’EXPOSITIONS DIFFERENTES DE CRYOTHERAPIE CORPS ENTIER A -135°C CHEZ DES JOUEURS DE RUGBY

Selfe J, Alexander J, Costello JT, May K, Garratt N, et al. (2014) The Effect of Three Different (-135°C) Whole Body Cryotherapy Exposure Durations on Elite Rugby League Players. PLoS ONE 9(1): e86420. doi:10.1371/journal.pone.0086420

INTRODUCTION

La cryothérapie corps entier (CCE) est l’application thérapeutique de l’air sec très froid, généralement compris entre -110 ° C et -140 ° C

[1] , [2] : http://www.kinesport.info/CRYOTHERAPIE-CORPS-ENTIER-ET-RECUPERATION- EN-PRATIQUE_a2150.html

La CCE est de plus en plus populaire chez les athlètes, les entraîneurs et les cliniciens à travers une variété de sports afin de prévenir les blessures et favoriser la récupération. Le délai d’exposition préconisé se situe entre 2 et 3 minutes [2] . Bien qu’un certain nombre d’études [1, 3-8] ont étudié les effets physiologiques de la CCE, le protocole optimal nécessaire pour initier des réponses physiologiques bénéfiques reste inconnu [2, 9]. La raison principale est l’absence d’études cliniques randomisées et contrôlées de la durée et du nombre d’expositions [2, 9] .
L’une des modifications la plus fréquemment rapportée après une CCE est une réduction des marqueurs inflammatoires [2, 10-12]. Récemment, l’accélération de la récupération après des exercices provoquant des dommages musculaires (Exercise- induced muscle damage : EIMD) a été rapportée après trois expositions de CCE [13] . Cependant Costello et al. [1] ont rapporté des résultats inefficaces de la CCE lorsqu’elle est administrée 24 heures après des exercices excentriques. En outre, aucune amélioration de la récupération de la force musculaire n’a été démontrée dans cette étude [1] , [3] . Une étude précédente a évalué divers changements physiologiques chez des joueurs de rugby professionnels, démontrant des modifications dans les profils hématologiques, suite à un protocole de 5 expositions en CCE, 5 jours consécutifs [14] . Cependant, cette étude n’avait pas de groupe de contrôle, il est donc difficile de distinguer les effets de la CCE par rapport aux effets cumulatifs de l’entraînement.
Le rugby est un sport de contact, avec un match composé de deux mi-temps de quarante minutes de jeu où les joueurs enchaînent des efforts à haute intensité, intermittents, entrecoupés par des périodes à faible intensité [15] . En raison des contraintes physiques imposées aux rugbymen qui se traduisent par des symptômes de fatigue et de diminution des performances musculaires [15] , la CCE est récemment devenue très populaire pour la récupération dans ce sport.

Le but de cette étude était de déterminer la durée optimale d’exposition de la CCE et de mesurer les réponses physiologiques et perceptives après une exposition de 1, 2 et 3 minutes à – 135 ° C chez des joueurs de rugby élites au lendemain d’un match.

MATERIELS ET METHODES

Participants

Quatorze joueurs de ligue de rugby professionnels de Wigan Warriors se sont portés volontaires (24 ans; poids moyen 77,6 kg; hauteur moyenne 183,2 cm). Tous jouaient en équipe première à la mi-saison.
Protocole expérimental

Cette étude est une étude expérimentale randomisée en essai croisé (« cross-over ») : on administre à un même groupe de patients plusieurs traitements expérimentaux les uns après les autres. Dans le cas présent, trois expositions de CCE, séparées de sept jours ont été effectuées suite à un match de compétition la veille au soir. 30 secondes à -60°C ont précédé l’exposition à – 135°C de 1, 2 ou 3 minutes dans une enceinte avec de l’azote liquide installée sur une remorque (JUKA, Pologne), détenue et exploitée par BOC Linde. Avant chaque session WBC, les participants ont été préparés selon le protocole opératoire BOC Linde norme [16] .

Marqueurs de l’inflammation

Des échantillons de sang veineux ont été prélevés trois jours avant la première exposition de WBC. Des échantillons de sang veineux ont été prélevés 20 minutes avant et 20 minutes après l’exposition en CCE. Tous les échantillons ont été prélevés dans la veine du pli du coude en utilisant des techniques de ponction veineuse standard et le système de collecte de sang S-Monovette (Sarstedt). L’anticoagulant était de potassium EDTA. Les échantillons ont été centrifugés à 1200 xg pendant 10 minutes et le plasma a été retiré et stocké à -20 ° C jusqu’à l’analyse des interleukines 6 (IL-6).

Oxygénation des tissus
Les changements au niveau de l’oxygénation des muscles, la saturation tissulaire en oxygène et la teneur en hémoglobine ont été évalués (mesures clefs : oxyhémoglobine : O2Hb et désoxyhémoglobine : HHb).

Température cutanée
La température cutanée a été mesurée à l’aide d’une imagerie thermique infrarouge, numérique, sans contact. Les images thermiques ont été enregistrées avant, immédiatement et toutes les 5 minutes pendant 20 minutes après l’exposition à la CCE.

Température de base
La température « centrale » a été enregistrée par ingestion d’une pilule. Les participants ont avalé 40 minutes avant l’exposition à la CCE la pilule permettant de mesure la température centrale.
Auto-questionnaires de sensation et confort thermique
Chaque participant a été invité à répondre à un questionnaire sur la sensation thermique en pré-test, immédiatement, toutes les 5 minutes pendant 20 minutes après exposition à la CCE : « Comment vous sentez-vous maintenant ? » et répondu en pointant sur une échelle de -4 à 4. (-4 = Très froid, -3 = froid, -2 = cool, -1 = un peu frais, 0 = neutre, 1 = un peu chaud, 2 = un peu chaud +3 = chaud, 4 = très chaud)
Le confort thermique a également été évalué avant et immédiatement après exposition à la CCE en utilisant une échelle sur 5 : invités «Trouvez vous cela : 0 = à l’aise; 1 = peu confortable; 2 = mal à l’aise; 3 = très mal à l’aise; 4 = très inconfortable.

RESULTATS

Les résultats ont permis de démontrer :
– Aucun changement significatif pour la cytokine pro-inflammatoire IL-6.
– Réduction significative des HHb au niveau des gastrocnémiens et du vaste latéral entre le pré-test et de 0 à 5 minutes après exposition à la CCE.
– Réduction significative des O2Hb et de l’indice d’oxygénation des tissus.
– Réduction significative de la température de la peau lorsque l’on compare 1, 2 et 3 minutes d’exposition mais aucun changement significatif n’a été démontré pour la température centrale.
– Réduction significative de la sensation et du confort thermique.

CONCLUSIONS

Trois brèves expositions à la CCE séparées d’une semaine ne sont pas suffisantes pour induire des changements physiologiques au niveau des IL-6 ou de la température centrale. Au vu des résultats de cette étude, un modèle a émergé, suggérant qu’une exposition de 2 minutes à la CCE à – 135°C après 30 secondes à – 60°C est l’exposition optimale pour cette équipe de rugby professionnelle. Cette exposition de 2 minutes entraîne des changements physiologiques (02HB, HHb, T° cutanée) et perceptifs, potentiellement bénéfiques, supérieurs à ceux atteints après une exposition à la CCE 1 minute et sans les effets négatifs démontrés par une exposition de 3 minutes.

La réussite de l’atténuation de la réponse inflammatoire semble être possible lorsque la CCE est appliquée immédiatement après l’exercice, avec des expositions répétées, confirmés par la littérature récente indiquant que les changements physiologiques dépendent du nombre de sessions de CCE [16].

Les auteurs indiquent que les recherches futures doivent se concentrer sur un protocole utilisant une exposition de 2 minutes à – 135°C ce qui faciliterait le développement d’une base de données plus solide. Ces études devront se concentrer sur la détermination du nombre optimal de séances par jour et par semaines.

QUELLES NOUVELLES CONCLUSIONS ONT ETE APPORTEES DANS CETTE ETUDE ?
– 30 secondes à -60 ° C, puis 2 minutes de CCE à environ -135 ° C semblent être un temps d’exposition CCE optimal.
– 2 minutes d’exposition CCE produit des changements physiologiques au niveau de la température cutanée, de l’oxygénation des tissus du vaste latéral et des gastrocnémiens et sur les sensations thermiques.
– Les professionnels travaillant dans le sport d’élite peuvent être informés de l’application d’un temps d’exposition CCE optimal de 2 minutes à environ 135 ° C pour que les changements physiologiques se produisent.

COMMENT POURRAIENT-ELLES AVOIR UN IMPACT SUR LA PRATIQUE CLINIQUE DANS UN AVENIR PROCHE ?
– Un temps de durée de 2 minutes d’exposition WBC à 135 ° C a été établi comme étant un protocole sécuritaire pour l’application future de CCE chez des joueurs masculins de rugby.
– Les cliniciens doivent utiliser le protocole de cette étude pour comparer les recherches futures qui aideront maintenant déterminer le nombre de séances d’exposition de CCE nécessaires pour engager de plus grandes réactions physiologiques.
– Des recherches s’intéressant à d’autres activités et à des athlètes féminines permettrait d’élargir les connaissances sur la CCE.

BIBLIOGRAPHIE

[1] 1. Costello JT, Algar L, Donnelly A (2012) Effects of whole-body cryotherapy (2110uC) on proprioception and indices of muscle damage. Scand J Med Sci Sports 22: 190–198.[2] Banfi G, Lombardi G, Columbini A, Melegati G (2010) Whole-body cryotherapy in athletes. Sports Med 7: 1–9[3] Costello JT, Culliga K, Selfe J, Donnelly A (2012) Muscle, skin and core temperature after 2110uC cold air and 8uC water treatment. PloS ONE 11: 1– 8.[4] Pournot H, Bieuzen F, Louis J, Mounier R, Fillard JR, et al. (2011) Time-course of changes in inflammatory responses after whole-body cryotherapy multiexposures following severe exercise. PLos ONE 6: 1–6.[5] Costello JT, McInerney CD, Bleakley C, Selfe J, Donnelly A (2012) The use of thermal imaging in assessing skin temperature following cryotherapy: A review. J Therm Bio 37: 103–110.[6] Costello JT, Selfe J, Karki A, McInerney CD, Donnelly A (2013) Comparison of the effects of cold-air (2110uC) and water (8uC) cryotherapy on knee skin temperature. Conference paper ACSM.[7] Fonda B, Sarabon N (2013) Effects of whole-body cryotherapy on recovery after hamstring damaging exercise: A crossover study. Scand J Med Sci Sports 23:270– 278.[8] Ziemann E, Olek A, Kujach S, Grzywacz T, Antosiewicz J, et al. (2012) Five-day whole body cryostimulation, blood inflammatory markers and performance in high- ranking professional tennis players. J Ath Training 47: 664–672.[9] Lubkowska A, Banfi G, Dolegowska B, d’Eril G, Luczak J, et al. (2010) Changes in lipid profile in response to three different protocols of whole-body cryostimulation treatments. Cryobiology 61: 22–25.10.[10] Banfi G, Melegati G, Barassi A, Dogliotti G, d’Eril G, et al. (2009) Effects of whole-body cryotherapy on serum mediators of inflammation and serum muscle enzymes in athletes. J Ther Bio 34: 55–59.[11] Wozniak A, Wozniak B, Drewa G, Mila-Kierzenkowska C, Rakowski A (2007) The effect of whole-body cryostimulation on lysosomal enzyme activity in kayakers during training. 100: 137–142.[12] Lubkowska A, Szygula Z, Klimek A, Torii M (2010) Do sessions of cryostimulation have influence on white blood cell count, level of IL6 and total oxidative and antioxidative status in healthy men? Eur J Appl Physiol 1: 67–72.[13] Hausswirth C, Louis J, Bieuzen F, Pournot H, Fournier J, et al. (2011) Effects of whole-body cryotherapy vs. far-infrared vs. passive modalities on recovery from exercise-induced muscle damage in highly-trained runners. PLoS ONE 12: 1–7.[14] Lombardi G, Lanteri P, Porcelli S, Mauri C, Columbini A, et al. (2013) Hematological profile and martial status in rugby players during whole body cryostimulation. PLos ONE 8: 1–7.[15] Twist C, Waldron M, Highton J, Burt D, Daniels M (2012) Neuromuscular, biochemical and perceptual post-match fatigue in professional rugby league forwards and backs. J Sports Sci 30: 359–367.[16] Lubkowska A, Dolegowska B, Szygula Z (2012) Whole-body Cryostimulation – Potential Beneficial Treatment for Improving Antioxidant capacity in Healthy Men – Significance of the Number of Sessions. PLos ONE 7: 1–10.

Source: http://sportexpertise17.e-monsite.com/medias/files/cryotherapie-effets-de-3-durees-d-exposition.pdf